Le Nichoir envoie un téméraire macareux moine sur la côte Est
En décembre dernier, Le Nichoir reçut la visite très inattendue d’un macareux moine. Une première dans l’histoire du centre. Chantal Brault, technicienne vétérinaire de l’hôpital vétérinaire d’Hudson, l’avait trouvé en plein centre-ville de Montréal, sur la très fréquentée rue Guy. Lorsqu’elle réalisa qu’il ne s’agissait pas d’un goéland mais d’un macareux, qui normalement vit près de l’océan, elle l’apporta à l’hôpital vétérinaire, puis au Nichoir.
Aux quartiers d’hiver du Nichoir, à Hudson, le macareux fut rapidement placé dans un bain d’eau fraîche et nourrit d’éperlans (les restes de l’aventure des goélands à bec cerclé de l’été dernier). On lui installa aussi un filet où se reposer et un miroir pour lui procurer de la « compagnie ».
Le macareux fut ensuite pesé et examiné. L’oiseau était amaigri et ses plumes n’étaient plus hydrofuges. Cela n’est pas étonnant chez un oiseau fait pour passer sa vie au-dessus de l’océan et qui se retrouve soudain dans un environnement différent, tout en étant peut-être blessé. Dans ce cas, il se peut que l’oiseau de mer ne soit plus capable de maintenir ses plumes en parfait état. Or des plumes hydrofuges sont essentielles à sa survie. Si elles ne le sont plus l’oiseau succombera aux éléments.
Le Nichoir n’étant pas équipé pour recevoir des oiseaux de mer de façon prolongée, il était donc indispensable de transférer le macareux dans un établissement spécialisé. Le Nichoir chercha un professionnel ayant les connaissances voulues et l’expérience des macareux pour qu’il vérifie que la santé et le plumage de l’oiseau étaient bons, avant de le relâcher.
Après avoir parlé à des vétérinaires qualifiés de la faune, à des réhabilitateurs et à des biologistes des Maritimes, du Québec et de l’étranger, Le Nichoir conclut qu’il était dans l’intérêt du macareux d’être envoyé à Terre-Neuve pour y être soigné avant sa remise en liberté.
Cette décision reposait sur de nombreux facteurs. L’un d’eux étant que la majorité des macareux moines d’Amérique du Nord se reproduisent à Terre-Neuve. Comme ils migrent vers le Gulf Stream en hiver, il était plus probable qu’il y ait des macareux au large de Terre-Neuve à cette époque de l’année que partout ailleurs au Canada.
« Avant de bifurquer vers la Grande-Bretagne et l’Irlande, le Gulf Stream apporte le long de la côte Est des États-Unis et jusqu’a Terre-Neuve des eaux plus chaudes et une abondante nourriture qui viennent des Caraïbes et de la Floride » expliqua Lynn Miller, cofondatrice du Nichoir. « Les macareux et les (autres) oiseaux de mer profitent de cet important courant chaud pour se nourrir et hiverner, il leur permet de survivre et de se préparer pour la saison de reproduction qui les ramènera vers les rivages canadiens. »
D’avoir trouvé Stan Tobin, réhabilitateur terre-neuvien spécialiste des oiseaux de mer (des macareux en particulier), fut un autre facteur qui contribua à la décision du Nichoir. Stan, qui travaille pour la Newfoundland and Labrador Environmental Association, était aussi déterminé que nous à voir l’oiseau bien soigné et dans les meilleures conditions possibles, afin que sa remise en liberté puisse réussir.
Nous devions donc trouver un vol régulier pour transporter l’oiseau sur la côte Est. Cela se révéla difficile. Le Nichoir approcha alors une amie du centre qui travaille à la CBC, afin d’établir un éventuel contact avec des compagnies aériennes. Bien que la CBC ait été le seul média contacté, l’histoire du macareux se propagea à toute vitesse.
Le Nichoir n’avait pas prévu que l’oiseau susciterait une telle attention. « Notre première priorité était de rester centrées sur ce que nous pensions être le mieux pour l’oiseau » dit la biologiste Susan Wylie, directrice générale du Nichoir. « De telle sorte que nous nous entendîmes avec les médias pour nous assurer que l’oiseau ne serait pas stressé par le niveau élevé d’attention dont il était l’objet. »
Une fois le vol trouvé et le Service canadien de la faune (SCF) avertit, Le Nichoir mit l’oiseau sur un avion de ligne d’Air Canada pour Saint-Jean de Terre-Neuve. Le 22 décembre, Stan Tobin attendait le macareux à l’aéroport, où les agents locaux du SCF le baguèrent pour identification future.
Dès son arrivée à l’établissement de réhabilitation de Stan, à Ship Cove, le macareux s’adapta. Après une semaine d’observation, l’oiseau avait repris suffisamment de poids et restauré son plumage. La Garde côtière auxiliaire canadienne à Terre-Neuve offrit alors de le relâcher. Cela fut fait le 6 janvier à Grand Banks lors d’un de leurs voyages prévus.
Le Nichoir n’aurait pas pu souhaiter une fin plus heureuse à cette histoire. Dès le début, notre objectif était de relâcher le macareux dans la nature et, avec l’aide d’experts et du grand public de partout au Canada, c’est précisément ce qui lui est arrivé !